Lundi en coulisse

Lecture et découverte de 3 textes jeune public
4 décembre
Tout public
Les lundis en coulisse en Belgique sont une initiative de Silvia Berutti-Ronelt, en coproduction avec le Théâtre La montagne magique, ARTS2 – École Supérieure des Arts, le KVS, le Royal Festival de Spa, Le Rideau, La Roseraie la SACD, le Théâtre des Martyrs, le Théâtre National Wallonie-Bruxelles, le Théâtre Varia, Le Vilar, le Centre d’études théâtrales de l’UCLouvain et l’Institut des Arts de Diffusion – IAD
en partenariat avec
le Centre des Écritures Dramatiques Wallonie-Bruxelles, Aires Libres, Mars – Mons arts de la scène et l’INSAS.
Plutôt que des thématiques, nous avons voulu partager des textes aux langages et aux imaginaires très différents, qui révèlent des rapports singuliers à l’enfance.
Nous avons donc proposé trois approches de l’écriture pour le jeune public: la 1ère multiplie les portes d’entrée dans le théâtre, la 2e se réapproprie un conte de façon ludique en se jouant de tous les codes théâtraux et jeunesse; et enfin, la 3e proposition explore une poétique qui ouvre tous les possibles à la mise en scène.
  • Ce qui ne se dit pas, de Marie-Ève Huot (Lansman Éditeur)
  • Je m’appelle pas, d’Edouard Signolet (L’Arche)
  • La très Jeune Parque, d’Alix Fournier-Pittaluga (Lansman Éditeur)

 

Ce qui ne se dit pas, de Marie-Ève Huot
(Lansman Éditeur)

En 2020, Marie-Ève est happée par les chiffres statistiques qui révèlent que la première cause de mortalité chez les jeunes canadiens de 10 ans et plus est le suicide.

Cette réalité l’avait complètement chavirée. Elle l’obsédait et n’arrivait pas à arrêter d’y penser.

Elle est alors allée à la rencontre des jeunes et pour leur demander comment ils envisageaient cette statistique. Elle a animé des causeries philosophiques sur les thèmes de la solitude, de l’isolement, de la normalité et de la résilience dans des classes secondaires. Et a été bouleversée par ce qu’elle a entendu… Des choses graves ont été dites, d’autres plus lumineuses. Cependant, à chaque rencontre, elle constaté la lucidité des jeunes de cette génération.

Ils ont parlé de leur incapacité à accepter leur corps, de leur incapacité à parler sérieusement de leurs émotions, du fait qu’ils n’arrivaient pas à parler entre eux de leurs problèmes familiaux ou de leurs relations sexuelles. Marie-Ève a intégré dans son texte quelques éléments tirés des témoignages que certains d’entre eux ont pris la liberté de lui écrire, quelques jours après mon passage dans leur école secondaire.

« Je constate aujourd’hui que mon projet porte sur cet instant, fragile et imperceptible, où une personne – jeune ou moins jeune – se raccroche soudainement à la vie. J’explore aussi ce point de rupture dans un parcours où une personne choisit d’aller dans une direction plutôt que dans une autre, influençant à tout jamais son existence.

Pendant ma résidence d’écriture à Saint-Casimir, j’ai vécu toute seule pendant près de trois semaines dans une maisonnette située au fond de la forêt, sur le site d’une ancienne cabane à sucre revalorisée. L’expérience sur l’érablière a été unique et singulière. J’avais peur, la nuit, dans ma petite maison entourée de centaines d’érables. Cette peur m’a reconnectée avec des souvenirs d’enfance, des choses plus ou moins graves que je n’ai jamais vraiment dites à personne. Dans ma petite maison entourée d’arbres, je me suis sentie aussi fragile et aussi vulnérable que les jeunes que j’ai rencontrés pendant mon séjour dans Portneuf.

Ce sont cette fragilité et cette vulnérabilité indicibles et invisibles que j’ai eu envie de partager avec les jeunes publics. »

Je m’appelle pas, d’Edouard Signolet
(L’Arche)

 » Dans ce conte comme dans les autres que j’ai adaptés au théâtre, j’ai cherché une faille narrative où m’engouffrer. Je suis parti de l’étrange prénom du personnage éponyme, qui n’est pas un prénom de petite fille, mais le nom d’un vêtement. Comment trouver sa place dans le monde avec un tel point de départ dans la vie ?

Pour trouver sa propre identité, mon Petit Chaperon Rouge, que j’affuble du doux surnom de « Pas », va devoir traverser une forêt, rencontrer des amis, des ennemis et endurer plusieurs épreuves. Je me suis amusé à lui mettre sur le dos une fée alcoolique et acariâtre, et à lui faire croiser des personnages issus d’autres contes, comme le Petit Poucet, qui lui non plus n’a pas de vrai prénom. Comme à mon habitude, j’ai pris un parti très brechtien. Les cinq interprètes de la pièce ne cessent d’abattre et de reconstruire le 4ème mur. Tous chantent en plus de jouer, ce qui donne au conte un air de concert de jazz. »

(Propos recueillis par Anaïs Heluin)

 

La très Jeune Parque, d’Alix Fournier-Pittaluga
(Lansman Éditeur)

« La très Jeune Parque – Promenade au soir tombant est le fruit d’une double rencontre : l’une avec l’oeuvre de Paul Valéry, l’autre avec Julie Delille, metteuse en scène du Théâtre des trois Parques.

Julie voulait mettre en scène la Jeune Parque, de Paul Valéry. J’ai commencé à lire. En une nuit et un lever de soleil, cette Jeune Parque – qui nous ressemble à s’y méprendre – traverse tous les états et sentiments humains, partage sans fards ses abîmes et ses sommets ; les alexandrins et leur langue énigmatique savent prendre soin de sa pudeur. C’est une oeuvre monumentale, une épopée intime et grandiose, aussi éblouissante de beauté que difficile et intimidante. Comment entreprendre ce voyage ? Progressivement, nous avons agrandi nos bibliothèques, nous nous sommes plongées, baignées, immergées dans les écrits de Valéry. Après de nombreuses conversations avec l’équipe du Théâtre des trois Parques et les artistes qui avaient rejoint l’aventure, le Métier du Temps est né. Ce projet hors norme consiste à inventer les conditions de mise en relation des personnes avec le champ sensible de l’oeuvre de Paul Valéry. C’est dans ce cadre que Julie m’a proposé d’écrire La très Jeune Parque, texte qui devait s’adresser, entre autres, aux plus jeunes.

Je crois que lorsque l’on fréquente aussi intensément une oeuvre, elle finit par faire partie de nous, quelque chose de sa substance profonde se dépose et s’intègre. C’est un rapport organique, symbiotique.

La très Jeune Parque – Promenade au soir tombant n’est ni une adaptation, ni un hommage. C’est un texte à la fois indépendant et relié, à la Jeune Parque, évidemment, mais aussi à d’autres écrits de Valéry, notamment le Bilan de l’Intelligence et l’Homme et la Coquille. C’est un écho, une passerelle poétique, un pont de singe – composé de mots plutôt que de cordages – jeté entre un monde et un autre.

Ce texte est une invitation à faire une promenade en prose, dans des émotions-paysages. »

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